lundi 15 avril 2013

Nuits urbaines : Genève a perdu ses exutoires


Nuits urbaines : Genève a perdu ses exutoires

Interview, Luc Gwiazdzinski, Le Courrier de Genève, 

http://www.lecourrier.ch/106540/nous_sommes_encore_dans_une_democratie_du_sommeil


Avancer la fermeture des bars pour endiguer les nuisances, une bonne solution d’après-vous?

Outre les problèmes de survie des établissements concernés qui se sont adaptés aux horaires de plus en plus tardifs des usagers, les expériences montrent que la fermeture des bars jette des populations importantes dans la rue au même moment sans résoudre le problème. Pire, elles ont tendance à l’amplifier et à créer des points de cristallisation. L’étalement des horaires de fermeture pourrait être une solution plus à même de laisser s’épuiser la nuit et ses consommateurs.

Comment analysez-vous la polémique que cela a suscité à Genève? 

Les tensions qui traversent les nuits genevoises sont révélatrices des mutations plus profondes de nos modes de vie à l’heure de la mondialisation. A Genève comme ailleurs, la nuit est longtemps restée une dimension oubliée de la ville qu’il faut désormais intégrer aux politiques publiques dans des politiques temporelles qui restent à construire.

Cette guerre des tranchées a-t-elle été exacerbée par une pénurie de lieux nocturnes?
 
Très certainement. Avec sa culture des squats, Genève avait sans doute l’habitude des exutoires qui permettaient en partie de concentrer la dynamique des noctambules, de masquer les conflits existant ailleurs. Avec quelques années de retard sur ses consœurs européennes, Genève est en voie de normalisation et a besoin de trouver de nouveaux types d’espaces libres pour canaliser les énergies.

Comment? 

Elle pourrait par exemple profiter des chantiers et lieux en friche ou en transition pour les intégrer dans une politique d’urbanisme temporaire. Plus globalement, il faut intégrer la nuit dans l’aménagement du territoire. Il manque des politiques de planification temporelle.
 

La question du coût de la nuit est aussi intéressante. Ne faudrait-il pas imaginer des activités nocturnes qui ne soient pas payantes? 
Avec un éclairage modulaire, l’ouverture prolongée d’espaces publics comme les parcs, etc. La Ville de Genève a récemment décidé d’allonger les horaires de la police municipale pour mieux appréhender le tapage nocturne. Votre avis?
Cela va dans le sens de l’apaisement et d’une meilleure connaissance de la ville la nuit, à condition de construire une co-évaluation régulière des dispositifs avec l’ensemble des personnes concernées. Car il faut absolument passer d’une approche des «problèmes de la nuit», à celle d’une «politique de la nuit» et des temps urbains. Le droit à la ville devra immanquablement se doubler d’un droit à la nuit.

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